Bonjour,
Je vous propose mes réflexions dans les domaines en lien avec l’éducation des jeunes, en particulier dans nos villes. Je fonde ces réflexions sous forme de « brèves » de trois à quatre pages afin d’éclairer voire de lancer ces débats nécessaires à la constitution de notre société dans laquelle nous devrions toutes et tous pouvoir bien vivre, dans l’intérêt de chacun, donc de tous. Nos jeunes sont notre avenir. De ce fait, aucun ne doit être sacrifié pour quelque raison que ce soit. Je le démontre ici, une fois par quinzaine et par thématique.
Aujourd’hui je vous propose d’analyser « L'autorité ».
L’autorité, selon le dictionnaire, est le « pouvoir ou droit de commander, d’obliger quelqu’un à quelque chose ». Elle n’est pas inné chez l’Etre Humain, c’est un acquis qui dépend de nombreux facteurs sociaux, psychologiques, politiques et, même économiques.
L’autorité n’est pas un fait en soi, elle découle d’autres choses clairement décrites dans ce même dictionnaire (cf. le-dictionnaire.com) : c’est le « crédit, la considération, l’influence sur les personnes et sur les choses » que l’on reconnait en particulier par la « capacité d’expliquer et de convaincre ».
En d’autres termes, il n’y a aucune autorité envers un autrui qui donne des instructions dont le récepteur n’en comprend pas les finalités ni les raisons.
C’est flagrant en éducation : les jeunes sont branchés continuellement sur des réseaux vidéos et sociaux qui leur apportent des informations nombreuses et, souvent, violentes (images illégales, violences physiques et psychologiques, propos violents, propositions illégales etc.). Parce que ces informations sont immédiates et percutantes pour l’esprit (l’esprit étant entendu comme ce que je pense sur moi et le monde qui m’entoure au moment où je me trouve), elles sont acquises immédiatement et le comportement individuel et collectif (car les autres y ont également accès) s’en retrouve influencé. Il y a aussi d’« autres » influences (sociales, idéologiques etc.), toutes aussi nombreuses de nos jours dans le monde. Pour nos jeunes, l’influence idéologique qu’ils subissent est quotidienne, à l’école ou dans la cité, notamment. Ainsi ils se heurtent à d’autres références, comme celle de la culture et celle du principe de réalité qui nous entoure. Cette confrontation continuelle crée de la violence chez nos jeunes et une perte de repère envers l’adulte, et, de cette dernière découle encore plus de violence juvénile…
Pour notre sujet du jour, nous nous contenterons de dire que l’éducation a pour but la transmission de savoirs et de valeurs conformes à la société qui dispense cette éducation. Et la principale, celle dans laquelle se retrouvent nos jeunes est « l’éducation nationale ». Elle est censée dispenser des savoirs, des connaissances et des compétences ainsi que des valeurs républicaines issues entre autres, de la France, de l’europe voire du monde. En effet, les mathématiques sont 2
effectivement transmises dans le monde entier. Cette éducation nationale se retrouve en concurrence avec d’autres savoirs et valeurs (j’y reviens), qui semblent plus justes aux jeunes et, je le précise, à une majorité de jeunes (que ces jeunes soient de cités, de la grande banlieue, de la campagne, d’outre mer…).
Pour les jeunes, ce sont d’autres savoirs, d’autres valeurs que les adultes ne donnent pas qui sont les plus importantes. Par exemple, l’éducation nationale dit des choses à savoir que la jeunesse ne veut pas savoir parce que ce savoir ne lui sera d’aucune utilité dans sa vie d’adulte si tant est qu’elle en a une un jour étant donné tout ce qu’elle vit, tout ce qu’elle voit ou entend etc. Accepter d’apprendre est trop souvent, pour nos jeunes, conditionné par la facilité comme celle d’allumer son téléphone et d’en apprendre autant que tout ce qu’ils apprennent ailleurs, dont l’école.
Le combat est perdu d’avance : l’apprentissage par les réseaux électroniques et informatiques ou/et par l’intelligence artificielle, a une vertu humaine fondamentale : la facilité. Il en est de même pour l’argent facile (pas si facile que ça vus les derniers assassinats dans tout le Pays, mais pas seulement). Qui n’en rêve d’ailleurs pas de cette facilité ?
Avec la facilité, toute exigence extérieure est une contrainte qui demande des efforts sinon physiques et psychiques également moraux que nous n’avons plus envie de faire autrement que pour notre groupe particulier (la famille, y compris élargie au groupe affectif). L’intérêt commun a disparu car il est devenu une entité ignorée – par défaut (le niveau d’instruction diminue constamment en France depuis 10 ans (cf. les enquêtes PISA, les résultats aux évaluations d’entrée en sixième, de quatrième et le taux de réussite au brevet des collège dans nos contrées1) devant l’intérêt personnel et celui de « son » groupe humain donné. Il en résulte un conflit de normes qui ne peut pas déboucher sur autre chose que la violence et le conflit. C’est pour cette raison que l’autorité n’est plus reconnue, ni à l’école, ni dans nos rues, ni dans les familles, mais uniquement dans « mon » groupe humain donné.
Alors que répondre à cela ? Que dire à ces jeunes, et, finalement, à nous-mêmes ?
L’autorité n’existe pas. La reconnaissance de l’autorité d’autrui, y compris celle d’un adulte lorsqu’on est enfant ou adolescent, dépend de sa légitimité auprès du jeune. La légitimité s’acquiert à travers des comportements, des actions, et d’une capacité à corriger les erreurs pour vivre dans le monde, ensemble mais chacun à sa mesure – c’est-à-dire avec la vie que l’on choisit de se construire (son projet personnel). Il existe un rapport entre la réalité du monde et l'autorité qui oblige. En effet, le monde est régi par des règles qui contraignent l’Etre Humain : par exemple, il est impossible de construire un immeuble sans vaincre la gravité ;
rouler avec les mêmes pneus sous la pluie et par beau temps n’induit pas les mêmes conséquences à la même vitesse, le soleil brûle etc. Dès lors, il n’est pas possible de vivre ou de se construire sans respecter des règles que d’autres connaissent jusqu’à ce qu’ils nous les apprennent. Il est impossible d’apprendre sans discipline : écouter l’autre, prendre du temps de réflexion et d’apprentissage etc.
L’autorité existe quand la directive est respectée et accomplie et pour cela il faut en comprendre tout l’intérêt pour soi et pour les autres.
Il est faux de prétendre que des jeunes ne reconnaissent pas l’autorité de l’enseignant, de ses parents, du représentant des lois (pas seulement les policiers), ils ne reconnaissent que l’autorité qui leur apporte la sécurité morale et psychologique – voire physique – que tout un chacun est en droit de vouloir. L’adulte n’est plus là pour poser un cadre, avec ses limites, dans lequel le jeune évolue. Et le « rôle » de l’adulte est bien de poser les limites aux plus jeunes, dans le but de leur apprendre le cadre.
Combien de fois a-t-on rappelé à nos jeunes, dont la perte d’un seul est absolument abominable pour tout le monde, que l’autorité n’est pas une obligation mais une nécessité qui leur permet d’exister.
Deux exemples concrets :
1°) sans autorité, jamais les alliés n’auraient débarqué en Normandie, jamais des gens courageux ne se seraient sacrifiés pour nous, pour ces jeunes. Jamais nous ne serions en train de débattre de tout cela…
2°) les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, les réseaux illicites, ne peuvent pas exister si des gens ne se sont pas donné du mal pour les créer. Un immeuble d’un petit village, une tour d’une cité du 93, il a fallu des gens pour les construire, pour les faire apparaitre : aucune de ces actions n’auraient pu exister sans l’autorité : peut-on construire un immeuble sans un plan, sans directive ?
Je suis en désaccord avec l’intelligence artificielle (IA) suite à une discussion que j’ai eue avec une des plus connue : elle ne pourra jamais remplacer l’Humanité et les Humains. De même, les Humains eux-mêmes ne pourront jamais détruire ce qu’ils sont : comme dirait Yoda, « nous ne sommes pas qu’une masse de chair et de sang », nous avons autre chose, quelque chose qui fait refuser l’autorité car elle ne serait pas légitime et l’accepter lorsqu’elle est universelle et juste. Enfin, les recherches démontrent que l’automatisation, l’informatisation, a tendance à créer des emplois plutôt que d’en détruire. Si les tâches « ingrates » sont faites par l’IA, il faudra toujours des humains pour les nouvelles tâches induites comme la programmation, la recherche, la maintenance au niveau des conceptions, la création de nouveaux outils etc. Au passage, il s’agit d’emplois plus qualifiés qui donnent un meilleur salaire donc une meilleure économie…
Depuis la nuit des temps, il n’y a qu’une entité qui a pu raisonner l’Humain : c’est l’Humain. Personne ne lie la perte d’autorité chez les jeunes avec leur abandon – moral - par les adultes. Lorsque la violence est la seule proposition du monde des adultes, c’est éminemment dommageable du point de vue moral donc physique…. Et d’abord pour les jeunes.
Il est notable de constater que le développement des progrès informatiques et électroniques vont de concert avec un délitement des liens entre les Humains, et surtout entre les adultes et les jeunes. Est-ce à dire que les jeunes ne veulent pas être éduqués par des adultes robots ? Ou les réseaux sociaux pilotés par IA les ont-ils déjà éduqués devant une démission collective ? Voilà de vraies questions à se poser et à solutionner !
Sébastien PEYRAT
Docteur en Sciences de l’Education – Ethno-méthodologue
Membre du comité de directoire du groupe de travail Oxygène pour la commune nouvelle (Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine).